Les grands astreignants - Françoise Bonardel

« Grands astreignants » (René Char) : ceux (et celles) qui vous contraignent à moins de médiocrité, et vous montrent la voie d’une vie plus dense et plus pure.

 

Homère : Pour son regard sur l’humanité, clairvoyant et compassionné, et parce que l’Iliade et l’Odyssée sont les deux « grands récits » fondateurs qu’on peut toujours relire quand on est las de la postmodernité. Grâce soit aussi rendue à Homère de m’avoir permis de m’émerveiller devant ce qui, dans certains paysages grecs, demeure aujourd’hui encore « homérique ».

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Île d’Amorgos, chemin de pierre entre Langada et Aegiali

 

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Marc-Aurèle : Pour sa voix, où se mêlent mansuétude et rectitude ; et pour m’avoir transmis la certitude qu’on doit en toutes circonstances s’efforcer de garder sa sérénité. Le compagnon des mauvais jours, depuis tant presque toujours.

 

Maître Eckhart : Pour avoir été le plus « oriental » des mystiques chrétiens, jetant pour la première fois un pont entre détachement serein (Gelassenheit) et vacuité (sûnyatâ). Le plus audacieux aussi lorsqu’il invite l’homme à se rendre « libre de Dieu » pour permettre à la déité (Gottheit) de naître dans son âme.

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Baudelaire : Pour son regard très distancé sur la modernité, et son art de vivre poétiquement à l’écart des foules.

 

Søren Kierkegaard : Pour m’avoir donné l’envie de traverser la lande du Jutland en hiver avec l’espoir d’y entendre le cri du coq de bruyère, et de vraiment comprendre ce qu’est l’Individualité.

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Friedrich Nietzsche : Pour sa lucidité, doublée d’intrépidité ; et pour m’avoir montré le chemin de Sils Maria, hiver comme été.

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Le rocher devant lequel Nietzsche eut la révélation de l’Éternel retour, au bord du lac de Silvaplana

 

Rainer Maria Rilke : Pour avoir mis l’homme occidental en garde contre les dangers d’une vie sans ferveur ni intériorité.

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Simone Weil : Pour son écriture d’écolière appliquée, la limpidité de sa pensée, et la difficulté à cheminer dans la voie de justice et de vérité qu’elle a tracée.

 

André Malraux : Pour avoir vu dans le « Musée imaginaire » le dernier sursaut de l’humanité moderne en quête de spiritualité.

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Antonin Artaud : Pour toutes les facettes de son génie : éclat sans pareil du verbe poétique, intuitions fulgurantes, courage à toute épreuve ; et pour avoir payé le prix, exorbitant, de son combat sans merci contre tous les trafiquants d’absolu.

 

Carl Gustav Jung : Pour avoir été un « homme d’Œuvre » capable de tout transformer : les êtres, la pierre, le rapport au sacré.

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Heidegger

Martin Heidegger : Pour une certaine idée du travail d’ « atelier » : un défi philosophique à relever.

 

Ernst Jünger : Pour son regard visionnaire et souverain, et pour avoir été l’auteur d’un des plus grands livres du XX° siècle (Sur les falaises de marbre), d’une troublante actualité.

Camus

 

Piero della Francesca, Fresques d’Arezzo (1452-1466)

Piero della Francesca, Fresques d’Arezzo (1452-1466)

Albert Camus : Pour avoir parlé comme nul autre du « tragique solaire » méditerranéen et avoir écrit Noces, que je ne peux relire sans l’émotion du premier jour : « Vivre, bien sûr, c’est un peu le contraire d’exprimer. Si j’en crois les grands maîtres toscans, c’est  témoigner  trois fois, dans le silence, la flamme et l’immobilité. »

 

Gilbert Durand : Pour sa vaillance, et son infatigable curiosité à l’endroit de tous les témoignages d’humanité : rites, mythes, symboles, œuvres d’art et de pensée.

Yves Bonnefoy

 

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Yves Bonnefoy : Pour le timbre incomparable de sa voix poétique, l’éclat de son regard et la très haute idée qu’il se fait de son métier.